Au coeur de l'Imprenable ... [Stella]

« Le Bien et le Mal n'existent pas : Tout n'est qu'affaire de point de vue. »

Au beau milieu de ce qui aurait dû être une nuit noire, remplacée par un éternel soleil en raison climatique, la cité bordant la Tour de Justice d'Enies Lobby restait plongée dans le sommeil, un silence apaisant qui manquait si souvent au Lieutenant d'entendre. La ville dessinait sa silhouette irrégulière sous l'éblouissante lumière et l'étouffante chaleur, irrégulière devant l'immensité du bleu cobalt qui la poursuivait derrière. Des tours, des casernes, des maisons, des rues, des ruelles, quelques lanternes pendouillant aux bâtisses, c'était tout ce qui faisait le charme de cette ville fortifiée. Sans oublier que devant se tenaient le tribunal, là où le puissant juge Baskerville avait puni tant de malfrats. Au loin, on pouvait aussi apercevoir la grande et imposante Tour de Justice, dressée fièrement pour représenter les décisions inflexibles des dirigeants de la Marine. Depuis quelques années, elle avait accueilli tant d'accusés, et les avait tous hébergés jusqu'à l'heure de leur éternel départ. Jamais aucun n'en était reparti avec la garantie d'être sauf. Sur l'île diurne était démontré ce qu'étaient les conséquences des sanctions du Gouvernement Mondial, ce qu'il en coûtait de s'y opposer. Rien n'était impossible pour l'organisation la plus puissante du monde. C'était d'ailleurs là que l'on trouvait le plus souvent Isaac Gainsborough. Sa soif de Justice, d'équilibre, de punitions, de châtiments, de repentirs, il la satisfaisait à Enies Lobby. Le soleil de l'île qui ne dormait jamais était pour lui une lueur salvatrice, qui apprendrait aux hommes à vivre sus le joug du Bien. Le bien, c'était exactement la manière dont il voyait le Gouvernement. Son drapeau flottait au gré du vent au sommet de la Tour. Il dégageait une aura si pure, si éclatante, si inquiétante même, qu'on se demandait si ce n'était pas le mistral qui lui obéissait, en réalité. Etait-ce l'élément qui commandait le symbole? L'inverse? On n'aurait jamais su dire. Le résultat et l'image, de toute manière, en resterait aussi charismatique. Le lieutenant se tenait assis sur le bord d'une toiture, baignant dans la tiédeur d'un matin d'éternel printemps. Il devait être huit heures. Pourtant, cette température, on l'aurait trouvée à midi sur Fushia, île réputée d'Eastblue. Ses cheveux flamboyaient d'autant plus, brillaient et se nourrissaient de lumière avec abondance, sans modération. Baker sommeillait elle aussi à sa gauche. Il la câlinait, tel qu'il l'aurait fait pour sa fille, pour la chair de sa chair, un bout de son âme. Son âme? Ce n'était pas faux, il avait placé tant d'espoirs en elle, qu'elle en avait atteint un stade personnifié. Elle était sa seule amie, non pas sa machine à tuer. Jamais il ne laisserait quelqu'un les séparer.

Il considérait tout autant Baker comme une connexion entre son esprit et l'entité qu'il adorait. Les hommes ne croient-ils pas en ce qu'ils ne peuvent pas voir, alors qu'ils se disent Saint Thomas? Peu importe, ils savent que prier les aidera, ils espèrent. Ce n'était pas le cas d'Isaac, qui s'était depuis longtemps persuadé qu'il n'était qu'un outil, un pantin qu'il était fier d'incarner. Après tout, être la marionnette du tout-puissant, d'un créateur, c'était déjà dépasser la plupart des êtres vivants d'une planète. Il avait longtemps compris qu'il était un élu, alors, il avait choisi le chemin de la Justice. Baker l'avait aidé. Depuis qu'il la maniait, aucun criminel ne lui résistait. Peut-être avait-il tout simplement grandi et choisissait mieux, plus soigneusement, tous ses adversaires? Peut-être sinon qu'il avait raison, et que cette lance contenait autre chose que des matières basiques dont un forgeron pourrait se servir. Il aurait aimé savoir. Il ne saurait jamais. Ainsi, pour répondre à tant de questions sans réponses, il plaça toutes ses interrogations en quelqu'un qui aurait pu tout savoir. Mais existait-il vraiment? Encore une fois, il ne saurait jamais. Tout ce qu'il connaissait de ce monde, en général, c'était que le Mal devait être éradiqué. En tête, les pirates. Ils ne comprenaient pas ce qu'était vivre légalement : Cette affaire, c'était vivre en travaillant, en méritant, en accomplissant, en étant fier d'avoir fait ce qu'on fit. Les pirates contournaient ce qu'était le bonheur : Ils se tapissaient dans l'ombre de la société, et détruisait les rêves de ceux qui méritaient d'en profiter. Travailler dur, amasser une fortune, qui lors d'un pillage sera réduite à néant, ça ne peut être accepté. Dieu avait dit à Isaac de remettre les valeurs de ce monde en ordre. Voilà comment on pouvait résumer la vie du lieutenant et tout ce qu'il ressentait au mieux. Difficile à comprendre, seul lui le pouvait entièrement ...

Il commençait à faire de plus en plus chaud. Une jambe ballante, lancée dans le vide, l'autre pliée contre les tuiles, Isaac observait le ciel comme s'il aurait aimé apercevoir celui qu'il aimait à travers les nuages. D'ailleurs, ces derniers n'étaient pas très nombreux, alors comment pouvait-il se cacher? Les passants, un peu plus bas, tous affublés de leur uniforme de Marine et leur képi, sortaient à peine de leur caserne respective. Ils pressaient le pas, en rang, derrière leur supérieur. Là encore s'exerçait l"autorité du Gouvernement, par la discipline et la bonne tenue. De haut, Isaac ne se lassait pas de les observer. Lui aussi était passé par là, et n'en était pas si loin tout compte fait. Son passé le faisait parfois souffrir, mais là, il savourait chaque instant durant lesquels il pouvait comparer sa situation à celle de ceux qu'il surplombait. Rejetant nonchalemment sa mèche en arrière, et secouant ses épaules qui n'eut pour conséquence que de renforcer son androgynie frappante, il se leva et marcha doucement vers l'extrêmité droite du toit. Il enjamba le mince gouffre qui menaçait de l'avaler. Puis il accéléra l'allure, sauta par dessus la ruelle, atterrit sur la toiture voisine. Sous son poids sévadèrent quelques morceaux de brique, comme deux ou trois tuiles. Baker, solidement accrochée à son dos, ne bougeait pas, ou ne faisait que trembler juste. L'esprit fugace d'Isaac prit une forme plus hostile, comme s'il poursuivait encore un de ces bandits qui méritaient d'être punis à mort. Il l'aurait sa promotion, il l'aurait. Mais pourquoi pensait-il à ça en ce moment? La Justice l'obsédait-elle à ce point? Il fallait croire.

Rien ne semblait pouvoir arrêter le Lieutenant, qui ferait un dernier petit tour de l'île pour se détendre, avant de prendre le large et rejoindre Water Seven par le biais du Puffing Tom. Par la suite, il verrait ce qu'il ferait ...

Spoiler:

- Je haie cette ville militaire...

- ... Pas toi ?

- Et si tu descendais de ton perchoir, mon oisillon ? Le soleil m'empêche de te voir clairement. Est-ce qu'on se connait ?

Lieutenant Stella Nox Fleuret, mais tu peux m'appeler Stella.

Spoiler:

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